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Les consommateurs renouent avec leur artisan boucher

Le confinement a changé les comportements. Les consommateurs retrouvent le chemin de la boucherie traditionnelle de proximité. C’est l’analyse de Jean-François Guihard, boucher à Malestroit (56) et président de la Confédération française de la boucherie (CFBCT *).

Comment la boucherie artisanale vit-elle cette période de confinement ?

Nous sommes des privilégiés car nous avons eu le droit de continuer à ouvrir nos commerces. Mais nos professionnels ne sont pas tous logés à la même enseigne. Selon une étude que notre confédération nationale a réalisée entre le 1er et le 6 avril auprès de 1 005 bouchers dans 95 départements, 28 % des artisans bouchers ont un chiffre d’affaires en baisse. Pour 7, 36 % d’entre eux cette chute dépasse les 50 %, soit parce qu’ils sont confrontés à la fermeture des marchés de plein air, soit parce qu’ils sont installés dans des zones touristiques. En revanche, 56 % des artisans bouchers connaissent une hausse de leur chiffre d’affaires. Pour la moitié d’entre eux, cette augmentation oscille entre 10 % et 20 %.

Comment expliquer ce dynamisme des ventes chez plus d’un artisan boucher sur deux ?

Confinés chez eux, les gens ne vont plus au restaurant le midi et les enfants ne mangent plus à la cantine. Cela se traduit par une hausse de leurs achats dans nos magasins de proximité. En plus de la hausse de nos chiffres d’affaires, nous constatons une évolution de la demande. Nos clients nous demandent beaucoup de viande à cuisiner, beaucoup de volaille, notamment des blancs de poulet. On voit que les consommateurs prennent davantage le temps de cuisiner des plats en sauce : du bœuf bourguignon, thaï ou braisé, de la blanquette de veau…À lire sur le sujetLes recettes de quatre chefs bretons sur FacebookEst-ce à dire que les consommateurs redécouvrent leurs bouchers traditionnels ?

Oui, je suis convaincu que parmi les clients que nous voyons aujourd’hui, beaucoup passaient en voiture devant nos magasins sans y prêter attention, sans savoir que c’étaient des boucheries. Depuis le confinement, les consommateurs redécouvrent les magasins de proximité. Le commerce alimentaire est vital. C’est un vrai enjeu pour la renaissance des centres-villes et centres bourgs. J’espère que les consommateurs ont assimilé cela et que le 11 mai au matin, ils ne vont pas changer leur mode de fonctionnement.Alors la boucherie traditionnelle a-t-elle de beaux jours devant elle ?

Oui. Si cette crise a pu ouvrir les yeux à certaines personnes qui avaient oublié la proximité, elle aura des effets bénéfiques sur tous nos commerces. Les gens qui se sont remis à refaire de la marche à pied redécouvrent leur rue, leur village, leur économie locale. Cette économie n’est pas délocalisable et c’est un lien social fort. Le commerce alimentaire va aider à relancer la machine.Ce retour aux sources concerne-t-il aussi les jeunes couples ?

Notre clientèle s’était déjà rajeunie avant la crise. Les trentenaires ne sont pas les derniers à rechercher de la proximité et des bons produits.

Cette crise est salutaire dans le sens où elle donne sa vraie place à l’alimentation. L’alimentation, ce n’est pas que du discount. C’est la santé et aussi le plaisir de se retrouver en famille autour de la table. Avant la crise, les enfants partaient à l’école pour la journée, quelquefois leurs parents travaillaient en 2X8 et tout ce monde se croisait sans vraiment prendre le temps. Depuis le confinement au lieu de passer dix minutes à manger quelque chose de rapide, la famille prend le temps d’échanger autour d’un plat mijoté avec amour.Au début de la crise, vous reprochiez au gouvernement de faire la part belle à la grande distribution. Êtes-vous toujours en colère ?

Oui, parce qu’on a fermé les magasins de proximité alors qu’en même temps on pouvait tout acheter dans les grandes surfaces. Il y a aujourd’hui une communication en faveur de la grande distribution démesurée. J’ose espérer que lors du déconfinement le vent va tourner dans l’autre sens parce que la vitalité des centres-bourgs dépend de tout le monde et, notamment, du commerce alimentaire.